jeudi 29 novembre 2012

Chine 28 - 11 (cours 8, fin)

Les coolies chinois en Amérique ont permis la construction des voies ferrés ...
Entre autres.




III.                   La seconde guerre de l’opium : 1857 - 1860

1.      Le conflit et son règlement

Marie Claire Bergère sur Shanghai. Après le traité de Nantin, les Occidentaux poursuivent leur entrée dans l’Orient. Ainsi les Chinois en 1856 arrête une jonque sous pavillon anglais qui se révèle faire de la contrebande. Prétextant qu’on leur a volé un bateau, les Anglais réattaquent la Chine dés 1857 avec un corps expéditionnaire anglo-français à Canton. De plus, au Nord sur la ville de Tiansin près de Pékin, les deux nations se combattent. Finalement en 1858 est signé le traité de Tiansin qui fait ouvrir dix grandes villes en Chine, crée des consulats à Pékin même (d’abord consulats Anglais et Français, puis les autres pays), le gouvernement de Pékin doit aussi reconnaître l’opium importé, …
Mais les affrontements continuent et se poursuivent surtout avec les Anglais et les Français. En 1860, un corps expéditionnaire de 20 000 hommes anglais et français entre à Pékin et saccage le Palais d’Eté. Suite à cette humiliation, la Chine signe le traité de Pékin où elle perd encore plus. Les Anglais et les Français obtiennent des ambassades permanentes à Pékin, l’ouverture des ports ouverts à tous les étrangers pour qu’ils puissent y habiter. C’est aussi l’acquisition de Kowloon (territoires au Nord de Taiwan détenus par les Anglais). L’île de Shamian collée à Canton est dédiée aux étrangers uniquement. La Chine est perdante, donc elle doit payer 16 millions de yuans qu’elle n’a pas les moyens de donner. Les textiles occidentaux doivent être libres de droit de douanes. Enfin, les Occidentaux peuvent circuler librement sur tout le réseau fluvial chinois.

2.      Les conséquences immédiates

Deux ensembles de conséquences découlent de ces traités. D’une part cela accentue la présence occidentale en Chine, notamment par le développement de concessions urbaines pour les étrangers. Les habitants occidentaux sont dans un régime de lois mixtes la plupart du temps. Une concession anglaise est ouverte à Tiansin en 1860, un agrandissement de la concession de Shanghai en 1861, une concession anglaise et française à Canton en 1861, …
D’autre part, les Occidentaux ont les mains libres pour développer d’autres trafics que l’opium, en particulier celui des coolies. Un coolie est un travailleur chinois essentiellement originaire de Guangdong et Fujian à qui on fait signer un contrat d’engagement volontaire. Les conditions étant très rudes (12h de travail par jour, renoncement aux libertés, …) les Chinois les associent souvent à des esclaves comme leur nom l’indique qui vient du chinois « Travailleur de force » ou « Homme de peine ». Ce trafic existait déjà mais s’est lourdement accentué dans les années 1860. Leurs destinations étaient surtout l’Asie, mais dans les esprits, on les voit surtout partir pour les Amériques (construction de chemins de fer transcontinentaux aux USA, mineurs en Californie, au Pérou ou au Brésil, …). Dans les premiers temps, ils furent admis et intégrés aux populations américaines. Mais dans les années 1870, les USA connaissent une dépression économique qui fait stagner la valeur de l’or. Des grèves des ouvriers américains se multiplient, les syndicats connaissent un essor, … Les Chinois sont payés pour effectuer des missions durant ces grèves (d’où certainement le nom « Les Jaunes » pour les briseurs de grève). On a donc des pogroms, des crimes et des assassinats envers les Chinois qui abouti en 1882, le congrès rédige le Chinese Exclusion Act. Dés les années 1890 – 1900, ces Chinois d’Amérique font des retours dans leur pays. Ce ne sera que vers 1910 – 1930 que les populations chinoises repartiront depuis la Chine vers le Sud-Est asiatique (Singapour, Malaka, …).

Durant cette période, les Chinois réalisent qu’ils sont une semi-colonie de l’Occident. Cela entretient un sentiment d’humiliation d’une culture du pays bafouée par l’Occident. Eux qui se considéraient comme l’Empire du Milieu sont pris de cour par les Occidentaux.
Ces conflits vont aussi créer une crise économique sans précédent en Chine. Mais ce n’est pas l’époque de la naissance d’un nationalisme chinois, ce sont plus des idées sous forme nébuleuse dont la seule évidence est qu’il faut défendre son pays. Sans être déterministe, on peut tout de même souligner que c’est à Canton, ville écrasée par les Occidentaux et dominé par ceux-ci, qu’on verra naître Sun-Yat-Sen, le grand réformateur chinois.



Les actuels lotissement de la communauté Hakka, communauté propice aux secrets
et partenaire du mouvement Taiping.




La première explosion sociale et la première politisation des campagnes :
La révolte des Taiping


D’autres épisodes furent tout aussi marquants, comme la révolte des Boxeurs, mais la notre nous permet de découvrir la première politisation des campagnes. Cet évènement illustre la complexité de l’Occident pour les Chinois qui sont fortement influencé par cette région du monde, l’admire et en même temps ont un sentiment profond de répulsion à l’égard de cette région du monde. Cela est toujours présent aujourd’hui puisque la politisation de la Chine est en partie née de l’Occident. Ces idées n’ont pas été produites par les Chinois mais viennent souvent partiellement d’Occident.


I.                   Les causes

Les causes s’enracinent dans un mécontentement plus large concernant les facteurs sociaux. Ainsi dans les années 1850 – 1878, on a énormément de révoltes liées à la misère lors de la fin de la dynastie des Qin. En particulier, on a la révolte des Taiping. Hong Xiuquan (1813 – 1864) originaire du Canton, est à l’origine de cette révolte.
Une des causes de la révolte des Taiping est l’existence de nombreuses sociétés secrètes dans la région de Canton et celle du Guangdong. En effet, plusieurs d’entre elles sont en lutte contre les Mandchous dés le XVII° siècle, car les Mandchous ont écrasé les Ming et les partisans des Ming se seraient installés dans ces régions. De plus, ces deux régions sont en lutte contre la piraterie endémique de la zone. Ces triades ont donc plusieurs racines dans ces deux régions.

Les guerres de l’opium sont aussi une cause de ces révoltes puisque des mercenaires armés vont se mobiliser contre les Français et les Anglais puis une fois démobilisés, vont se convertir dans le grand banditisme ou dans les Tingfei (bandits de bateaux).

On peut rajouter la spoliation des terres avec Pékin qui envoie des colons aventureux dans ces régions pour cultiver des terres en lieu et place des indigènes. Ceux qui ne peuvent pas lutter se réfugient dans les montagnes en attendant de pouvoir se refaire.

Les minorités sont aussi un problème. Les Hakkas sont un groupe ethnique qui au cours des siècles a été repoussé dans le Fujian.  Leur migration les a poussé à développer des structures mafieuses pour se protéger dans les nouvelles contrées où ils arrivaient par groupe de 1000 personnes parfois. Ainsi les bâtiments hakkas actuels sont des HLM circulaires avec 4 portes gardées et des fenêtres ouvertes juste sur une cour intérieure. Cette culture de l’autodéfense et de la protection tend la main aux associations armées, …


II.                Les leaders

Mr. Hong est issu d’une famille pauvre, a échoué de nombreuses fois aux concours mandarinaux mais va innover par la suite.

1.      La rencontre avec les Protestants

Dans sa jeunesse, il habitait une région de concessions et a donc pu rencontrer de nombreux étrangers venus d’Occident et issus de tous milieux. Il a notamment rencontré deux Protestants : un disciple et son grand maître luthérien anglais, Robert Morrison, qui a rédigé un dictionnaire chinois-anglais avec de nombreuses références à la Bible dans un but de conversion des Chinois. La Bible fut traduite en chinois tout en insérant quelques notions de cultures chinoises. Le disciple rencontré se nomme Liang Afa, il a dans son esprit une Chine sur le déclin politique et moral. Les choix possibles sont se sauver ou être damné. Liang parle surtout d’un royaume de Dieu avec un messie en charge de sauver les hommes.
C’est par eux que Hong Xiuquan va en être fortement imprégné. Il pense qu’il va monter au ciel, estime qu’il a un rôle a joué, … Cela est renforcé par ses échecs successifs et répétés aux concours mandarinaux.

2.      La guerre de l’opium

La conjoncture des guerres de l’opium va lui donner un terrain d’entraînement en formant à Canton une milice armée contre les Anglais. Il se déclare alors le second fils de Dieu, frère chinois de Jésus. Il est imprégné de toutes les influences historiques chinoises (confucianisme, taoïsme, bouddhisme, …) ainsi que des éléments du christianisme qui l’intéresse hautement.

3.      Les actions auprès des hakkas

Il rejoint un cousin hakka et développe chez les Hakkas ses théories des Occidentaux envahisseurs qu’il faut repousser. Le terrain hakka lui est favorable et il va se faire un allié fort, son bras droit : Mr. Yang qui donne au mouvement son organisation militaire, …


III.             Les valeurs et l’organisation du mouvement

1.      Les débuts de l’organisation : une longue marche

Quittant la région des Hakkas et de Guilin, le mouvement comptait 20 000 personnes. Dorénavant, le mouvement se donne pour nom le « Royaume céleste de la grande paix », Taiping. Dans ce groupe on trouve des travailleurs ruraux, des employés des Ming, … Ils sont très persuasifs puisque des tonnes d’individus vendent leurs propriétés et rejoignent le mouvement.
Le mouvement se dirige vers Nankin, ancienne capitale impériale. Ils ont une organisation militaire en cas d’attaques mais aussi comme but persuasif pour certaines populations (la ville de Wuchang dans le Hubei sera rasée par cette armée). Arrivant à Changsha, dans le Hunan, ils sont 120 000.
Arrivés à Nankin, ils s’y installent, décrète la ville capitale céleste et sont au nombre de 2 millions un an après avoir quitté Guilin.

La vie politique en Chine se caractérise par son aspect ambulatoire, il faut se présenter auprès des populations et conquérir physiquement le territoire et marquer où l’on passe.

2.      Créer un nouveau monde social

Dans l’organisation des Taiping, l’unité de base, ce sont les familles. Une famille équivaut à 25 anciennes familles paysannes regroupées dans une unité dirigée par un sergent. L’individu n’existe pas dans ce système qui évoque énormément Fourrier et ses phalanstères. Cela reprend en fait surtout les agglutinats de fratrie dans les minorités de Chine (Hakkas, …). Au-dessus du sergent, on a une unité militaire en charge de la population civile.
Au sommet on trouve Hong et Yang qui vont se disputer la place ultime.

3.      Leurs valeurs

Leur mode de vie doit être très puritain avec interdiction des drogues (opium, vin, tabac, …). Ils préconisent la séparation des sexes où les femmes ont un minuscule avantage à l’époque avec l’arrêt des pieds bandés chez certaines minorités. Ils ont des systèmes militaires organisés.

On prône dans ces sociétés des valeurs égalitaristes et fraternelles (les hommes sont égaux devant Dieu, disparition de la propriété collective, une haine des mandarins très forte, …). En Chine, le monde des ruraux et celui des urbains sont totalement opposés en agissent de manière irréconciliable. Un très fort discours nationaliste est prôné, le pays doit retrouver sa fierté contre l’envahisseur occidental. Ce discours donne enfin un premier aspect d’un nationalisme chinois.

La fin de ce rêve se fait militairement lors de leur montée sur Pékin. Ils ne prendront jamais Pékin, de gros affrontements se dérouleront à proximité. Mais en pleine guerre de l’opium, ce sont les Anglais qui vont en profiter en faisant venir des contingents indiens et qui avec l’aide des forces chinoises vont tirer sur les Taiping de Shanghai, de Ningbo ainsi qu’effectuer une opération de ceinture autour de Pékin pour protéger la ville.

Ce mouvement a beaucoup séduit la paysannerie de par son utopie sociale. Les Chinois vont avoir souvent en l’esprit cette conception de l’utopie et en quelque sorte, cela va se retrouver dans les autres pensées politiques. Malgré les maladresses importantes de ce mouvement (organisation difficile, administration difficile à établir aussi, …) et avec le cumul des oppositions (en particulier des élites urbaines), l’innovation politique reste de leur coté. Ce sont eux qui ont posé à leur époque les problèmes qui un siècle plus tard ne seront toujours pas réglés (question agraire, création de forces régionales, envisager une modernisation puisée partiellement en Occident, inventer une propagande, création d’un embryon d’Etat, …). Un des paradoxes de ce mouvement, et qui le fit chuter, fut aussi la reprise d’idées occidentales tout en prônant l’ennemi venu de l’Ouest.



 La Taipei 101, monter toujours plus haut, une conception plutôt occidentale


L’occidentalisation


Fin XIX° siècle, la Chine s’est occidentalisée dans l’idée de moderniser le pays et ensuite de moderniser l’Etat. Ce sont eux qui vont préconiser de développer les transports, traduire les romans occidentaux, … Cependant, la politique de la dernière impératrice Cixi va casser cet élan en déclenchant au contraire des courants xénophobes.
Cela n’a rien à voir avec les mouvements en parallèle du Japon avec la bataille de Shimonoseki où les grands princes tombent devant l’empereur. Ce dernier va alors agir dans un sens d’occidentalisation qui ne sera pas interrompu comme en Chine.
En Chine, la particularité reste encore que l’occidentalisation se fera par la population et non plus l’Etat : Canton avec les Français, Shanghai où les concessions ont développé un mode de vie à l’occidental. Dire que la Chine est passée directement du système impérial à un système nationaliste militaire puis au communisme sans être influencer par l’Occident est faux. Bien au contraire, l’occidentalisation a longtemps continué mais le premier communisme a mis un frein à ce mouvement.

Cf Gernet, Le monde chinois, pages 518 et suivantes.

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